Fukushima, le péril nucléaire deux ans après le chaos

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Ce lundi 11 mars 2013 a commémoré les deux ans du séisme et tsunami géant qui ont provoqué la catastrophe nucléaire de Fukushima. Comment un pays hyper-industrialisé et doté des infrastructures les plus modernes a pu subir un tel drame.

Le Samedi 9 mars 2013 à Paris, deux ans après la catastrophe, des milliers de manifestants antinucléaires ont déployé une longue chaîne humaine pour réclamer l'arrêt du nucléaire en France et pour dire « Fukushima, plus jamais ça ». Au Japon, des manifestants ont également défilé à Tokyo pendant 2 jours pour demander l'abandon de l'énergie nucléaire. Paradoxe ou lassitude d'une population meurtrie, la manifestation anti-nucléaire organisée dans la mégalopole de 38 millions d'habitants, n'a rassemblé que 15 000 personnes pour exiger le démantèlement des cinquante réacteurs que compte le Japon.

A travers le monde, les autorités et les scientifiques, s'interrogent encore, sur cette catastrophe naturelle, son impact direct sur les centrales nucléaires et les évènements qui ont fait près de 19000 victimes et des milliers de disparues. Car le Japon n'est pas le seul pays a faire fonctionner un parc de réacteurs en bordure d'océan, une équipe de chercheurs espagnols a réalisé récemment une étude qui révèle que 74 réacteurs nucléaires sont exposées dans des zones avec un risque potentiel vis à vis des tsunamis.

Cette première étude, précise José Manuel Rodríguez-Llanes, co-auteur de l'Etude au CRED [2], permet d'avoir une cartographie mondiale précise des réacteurs de centrales nucléaires civiles situées sur une côte à risque. Pour bien prendre conscience de ce qui est arrivé Japon, un pays coutumier des tsunamis, il est nécessaire de comprendre les facteurs clés aggravants de ce désastre nucléaire et humain.

La secousse sismique ressentie au Japon ce jour là, a atteint la magnitude de 8.9, ce séisme est l'un des plus puissants que l'on connaisse depuis les premiers relevés sismographiques. L'épicentre de cette secousse se situait à une profondeur de 10 000 mètres en plein océan pacifique à 134 kms de l'archipel, produisant du même coup une onde de choc. Contre toute attente, alors que l'on pouvait alors être persuadé que toutes les mesures anti-tsunami avaient été prises.

L'impensable devient réalité

Des kilomètres carrés d'océan se sont soulevés de quelques centimètres à l'épicentre, pour se transformer en une vague géante de plus de 15 mètres à proximité des 800 kms de côtes japonaises, submergeant tout sur son passage, dépassant de plusieurs mètres les murailles de protection et dévastant les centrales exposées parfois en bordure de plage. La grande majorité des 19000 victimes n'ont rien à voir avec l'accident nucléaire de Fukushima, mais ont subi de plein fouet le tsunami dévastateur.

Pour autant, sur les 55 réacteurs nucléaires en fonctionnement, 11 réacteurs ont été affectés par le séisme à des degrés divers. La fusion de réacteurs à la centrale de Fukushima Daiichi, due à la panne du système de refroidissement, a aussi provoqué la mort de milliers de personnes et l'évacuation de plus de 150.000 habitants de ce territoire définitivement contaminé.

Pourtant, nous sommes dans un pays hyper-industrialisé, techniquement en pointe, doté d'infrastructures modernes avec des réacteurs nucléaires respectant les normes anti-sismiques. Quid du problème des installations ? elles sont prévues pour résister à une magnitude de 7, mais certainement pas à un hyper-stunami. Un séisme de magnitude 7 libère à lui seul autant d'énergie qu'une trentaine de séisme de magnitude 6, ce séisme atteignait magnitude 9 sur l'échelle de Richter.

On imagine que la perte de controle des réacteurs du site Fukushima ne découle pas uniquement du séisme mais aussi du stunami. On ne pouvait pas, ne pas prendre en compte le fait, qu'un jour ou l'autre, un stunami plus puissant que les autres, dévasterait les côtes, sachant que l'on ne peut pas se protéger totalement d'un tel impact. Surtout, lorsque que l'on sait que l'eau peut endommager facilement n'importe quel élément primordial à l'arrêt automatique d'un réacteur comme au bon fonctionnement du système de sécurité ou de la réfrigération du coeur.

Pourquoi ce choix d'implantation ?

On se demande pourquoi des ingénieurs qui savent qu'ils sont frappés régulièrement par l'extrême violence des stunamis, ont installé les centrales nucléaires en bordure de l'océan, alors que le pays très montagneux permet de bâtir bien au-dessus du niveau de la mer. Alors, pourquoi ce choix dans un pays surpreuplé ? On peut y voir une erreur majeure, mais aussi des raisons économiques et techniques. On utilise de l'eau de mer pour réfrigérer les réacteurs à eau bouillante des centrales japonaises, et cela aurait été plus difficile et moins rentable de pomper de l'eau à partir d'une colline.

Qui parle aujourd'hui, dans les médias du danger de l'implantation des centrales situées en zone côtière de part le monde, ou de la nécessité d'une modification des bâtiments des centrales pour les faire résister à un séisme de magnétude 9. Les nombreux déséquilibres à l'échelle mondiale montrent bien qu'il faut revoir certaines normes de sécurité, face à la croissance et l'intensité des catastrophes naturelles qui nous attendent.

De nombreux scientifiques soulignent aujourd'hui, une nouvelle fois leur inquiétude, et la nécessité que le monde prenne conscience du danger du nucléaire civil ou militaire, à l'heure ou l'on doit gérer pour quelques décennies encore, une énergie dangereuse qui doit de toute façon disparaitre avec la baisse de la production d'uranium.

« Ce fut un désastre d'origine spécifiquement humaine ? qui aurait pu et aurait dû être prévu et empêché. De plus, ses effets auraient pu être atténués par une réponse plus efficace. »[3] écrit le président de la commission indépendante sur l'accident nucléaire de Fukushima, dans son message d'introduction du rapport d'enquête.

Pour en savoir plus

L'ACRO édite sur son site une analyse de la situation à Fukushima deux ans après les évènements tragiques. Un état des lieux qui met l'accent sur plusieurs points importants : décontamination, contamination, populations touchées, pollutions, etc. Un travail minutieux à partir de la collecte d’informations effectué tous les jours sur le site de l’association.

Pour avoir un point de vue scientifique, on peut télécharger le résumé en anglais et au format PDF du rapport de la « National Diet of Japan Fukushima Nuclear Accident » publié par la commission indépendante sur l'accident nucléaire de Fukushima le 5 juillet 2012. Le blog de Fukushima vous propose une traduction française du résumé du rapport officiel de la commission indépendante sur l'accident nucléaire de Fukushima.

Notes

[1] Crédits photo : (1) (2) Jun Temaroto (CC-By SA 2.0)
[2] CRED (Centre de recherche sur l’épidémiologie des désastres)
[3] Selon la traduction française du résumé du rapport officiel.


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